William Funk, La mutabilité du droit constitutionnel américain à travers le prisme des revirements de la Cour suprême (*)

La Constitution des États-Unis – Déclaration des droits comprise – est peut-être remarquable parmi les constitutions du monde en raison de sa brièveté et de son absence d’évolution significative par voie d’amendements ou de modifications textuelles depuis son adoption. A l’exception des amendements adoptés après la guerre civile, la Constitution des États-Unis est un texte exceptionnellement stable, surtout en regard des constitutions de la plupart des autres pays développés, et en dépit de l’une des populations les plus hétérogènes du monde. Cette apparente stabilité masque toutefois d’importantes évolutions du droit constitutionnel tel qu’interprété par la Cour suprême. En effet, on pourrait faire valoir que ces évolutions ont limité le besoin de modifications textuelles. En d’autres termes, le texte de la Constitution a été modifié de façon substantielle, voire radicale, par voie d’interprétation, plutôt que par voie textuelle.

Trois domaines distincts ont subi d’importantes évolutions : le fédéralisme, la protection contre la réglementation gouvernementale des intérêts économiques, et les droits individuels – bien que les évolutions dans chaque domaine ne soient pas sans lien les unes avec les autres. Les premières décisions de la Cour furent destinées à affirmer le caractère national de la nouvelle République et à minimiser l’importance des États, mais cette phase prit fin au moment de la guerre civile. Alors que la guerre civile et les amendements constitutionnels subséquents renforcèrent la nation au détriment des États, la Cour suprême quant à elle se montrait favorable aux droits des États. Le tournant du siècle marqua un nouveau changement. La déférence à l’égard de la législation nationale augmenta, mais cette tendance fut affectée par une hostilité nouvelle et croissante à l’encontre de la réglementation gouvernementale du marché. Cette hostilité se refléta dans l’utilisation novatrice de la Due Process Clause pour invalider des réglementations économiques étatiques et fédérales, et plus tard pendant la Grande Dépression, pour rejeter la déférence démontrée jusqu’alors à l’égard de la législation fédérale, en faveur de solutions plus favorables aux États. À la fin du New Deal et au début de la Seconde Guerre mondiale, la position de la Cour évolua à nouveau, se référant aux réglementations économiques et sociales fédérales et étatiques, mais conservant une orientation largement nationale. La Cour entreprit ensuite de renforcer les droits individuels, à la fois en élargissant la protection des droits énumérés dans la Déclaration des droits, et en reconnaissant de nouveaux droits non explicitement prévus par les textes. Bien que ce mouvement ait débuté dans les années 1950, ce n’est qu’à partir des années 1960 qu’il atteignit son plein épanouissement. Puis, dans les années 1980, débuta un mouvement de limitation de la puissance fédérale, d’augmentation de la liberté économique, et de restriction de l’étendue des droits individuels.

Cette étude développera ces différents points, en fournissant des exemples et en proposant une explication des raisonnements sous-jacents aux diverses prises de positions de la Cour.

(*) in Le droit américain dans la pensée juridique française contemporaine , Fondation Varenne/Lextenso, 2013, p. 55 et suivantes.

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