Oliver Wendell Holmes, le juge suprême.

Lincoln Caplan, « America’s Great Modern Justice », Harvard Magazine, mai-juin 2019, p. 54-60.

Au printemps de 1864, Oliver Wendell Holmes Jr. combattait dans la guerre de Sécession en tant que capitaine de l’armée de l’Union. Il s’était enrôlé trois ans plus tôt, peu après le début de la guerre, alors qu’il avait 20 ans et était en dernière année au Harvard College, dans la classe de 1861. En tant qu’officier d’infanterie en Virginie, il avait été blessé quasi mortellement à Ball’s Bluff lors de sa première bataille, après avoir reçu une balle dans la poitrine lors d’un raid de l’Union. Il avait prouvé sa valeur en rejoignant ses hommes après avoir été blessé, défiant l’ordre de faire soigner sa blessure. À Antietam un an plus tard, où il a été brièvement laissé pour mort le jour le plus sanglant de l’histoire de l’armée américaine, une balle lui a traversé le cou. À Chancellorsville, une balle de canon l’a gravement blessé au talon.

(...)

Il est impossible d’imaginer qu’un juge de la Cour suprême actuelle soit forgé dans de telles circonstances - avec la survie de la nation en jeu, avec de nombreux combats, si incertains. En partie à cause des changements que Holmes lui-même a apportés à la loi, et finalement à la Cour, c’est maintenant une institution très différente de celle dans laquelle il a siégé. La vie des juges semble éloignée des expériences de leurs concitoyens. Pourtant, il y a des parallèles importants entre l’ère de Holmes et l’actuelle, et entre les défis pour la Cour de son temps et ceux de nos jours. Il y a un siècle, comme aujourd’hui, la politique écartelait la nation et l’inégalité la divisait. La Cour était soumise à l’idéologie, à une partisanerie incontrôlée et au genre de guerre politique concevable seulement dans des campagnes à enjeux élevés. Dans ces circonstances, le nouveau livre de Budiansky, Oliver Wendell Holmes : A Life in War, Law, and Ideas — qui arrive au cours du centenaire de l’opinion(*) la plus marquante de Holmes, qui était une dissidence visionnaire sur la liberté d’expression - est particulièrement important. Il s’agit de la dernière d’une vaste bibliothèque de biographies et d’études. De nombreux chercheurs ont reconnu l’influence critique de la guerre sur Holmes. Pourtant, Budiansky, dont les livres précédents incluent six sur l’histoire militaire, saisit l’expérience de la guerre de Holmes, et comment elle s’est logée dans sa psyché, comme aucun auteur ne l’a fait auparavant.

Lire la suite

Michel André, « Oliver Wendell Holmes, le juge suprême », Books, n° 104, février 2020, p. 58-61.

Oliver Wendell Holmes Jr. est le juge le plus célèbre de l’histoire des Etats-Unis. Après John Marshall qui, au début du XIXe siècle, fit de la Cour suprême l’instance qu’elle est aujourd’hui, il est celui dont les idées et les écrits ont eu le plus d’influence sur le système judiciaire américain. A sa mort, en 1935, il s’était retiré de puis trois ans seulement de la Cour suprême, où il avait siégé durant trente ans. Avant cela, il avait officié vingt ans à la Cour suprême de l’Etat du Massachusetts.
Au cours de cette carrière exceptionnellement longue, Holmes rédigea quelque 2000 opinions(*), dont plusieurs, concernant la législation du travail et la liberté d’expression, ont marqué durablement la jurisprudence. Son Traité The Common Law est considéré comme le plus important ouvrage de droit publié aux Etats-Unis. Dans ce livre et dans de nombreux articles, notamment « The Path of the Law » et « Law and the Court », il expose les idées sur la base desquelles s’est développé le « réalisme juridique » américain.
Holmes accéda à la notoriété à la fin de sa vie grâce à quelques-uns de ses admirateurs, parmi lesquels ses successeurs à la cour, Benjamin Cardozo et Felix Frankfurter, ainsi que le politologue britannique Harold Laski (**). L’intérêt pour sa vie et son œuvre ne s’est jamais démenti. Sa dernière biographie en date, due à Stephen Budiansky, éclaire les multiples facettes de personnalité riche et complexe.

Lire la suite

(*) L’opinion d’une juridiction américaine n’est autre que sa décision, laquelle est rédigée par l’un des juges et agréée par la majorité (opinion majoritaire) ou l’ensemble des juges (opinion unanime).

(**) Holmes a soixante-quinze ans et Laski vingt-trois lorsque les deux commencent une correspondance d’une qualité intellectuelle exceptionnelle sur vingt ans. Cette correspondance a été éditée en deux volumes en 1953 :
Holmes-Laski Letters : The Correspondence of Mr. Justice Holmes and Harold J. Laski, Volume I : 1916–1925 ; Holmes-Laski Letters : The Correspondence of Mr. Justice Holmes and Harold J. Laski, Volume II : 1926–1935.

Mentions légales | Conception et réalisation: Lucien Castex | Plan du site | Accès restreint