Trump et les Trois Enquêtes. Histoire d’un vandalisme institutionnel, VA éditions, 2021, 254 p.

Au moment de son élection en 2016, certains ont parié que Donald Trump n’irait pas au bout de son mandat, sa destitution à la faveur d’un impeachment leur paraissant probable. Déjouant à cet égard les pronostics, Donald Trump est allé au terme de son mandat. Il est néanmoins le premier président des États-Unis à avoir fait l’objet deux fois d’un impeachment, après avoir été dispensé par ailleurs, pour des raisons constitutionnelles, d’une inculpation pénale. Jamais peut-être sous un président, les Américains n’avaient autant… acheté leur Constitution que sous Donald Trump, disent les chiffres des libraires.

Comment Donald Trump a-t-il pu mettre dangereusement à l’épreuve le système des checks and balances et le culte américain de la Constitution et du droit ? Ce livre montre en filigrane ce qu’il peut coûter, surtout dans des sociétés démocratiques, libérales et complexes, de vouloir projeter sur le chef politique l’idéal du chef d’entreprise. Ce livre raconte comment l’ethos populiste de Donald Trump, son défaut de surmoi ou sa « folie », à force de ne pas concevoir d’élections sans coups foireux, à force de ne pas voir que le fair-play constitutionnel compte autant en démocratie que le droit, l’ont mis en situation de regarder à la télévision ses partisans faire usage de la violence afin d’imposer leur croyance que le président élu n’était pas Joe Biden.

« Armé d’une grande connaissance de l’histoire et de la culture politique américaines, de la Constitution et du droit des États-Unis, l’auteur a tout analysé : – les documents du FBI et des procureurs fédéraux ayant travaillé avec le procureur spécial Robert Mueller sur les ingérences électorales russes et sur l’accommodement présumé illicite du candidat Trump à ces ingérences ; – les auditions et délibérations d’impeachment de la Chambre des représentants relatives à la concussion ukrainienne du président et à sa responsabilité dans les événements du 6 janvier 2021 ; – les mémoires et les plaidoiries devant le Sénat des procureurs de la Chambre et des avocats de Donald Trump. »

« De quoi les trois forfaitures reprochées à Donald Trump sont-elles le nom ? Sans doute de son éthos populiste, de sa « folie » ou de son identification du dirigeant politique à un mélange entre un gobernator et un chef d’entreprise. Le livre remonte néanmoins à la philosophie politique pour les caractériser comme un refus atavique du fair-play constitutionnel, soit tout ce que les gouvernants doivent s’interdire de faire, même si le droit ne le dit pas, pour que des institutions démocratiques et libérales fonctionnent conformément à leurs principes. Donald Trump n’a pas été loin de prouver qu’une démocratie pouvait mourir d’une autre manière que par le renversement de l’ordre constitutionnel : par la sape du fair play constitutionnel. »

« Cet héritage, dont la mémoire est vivifiée par les poursuites engagées à travers le territoire par des procureurs fédéraux contre plus de 400 assaillants trumpistes du Capitole, pèse considérablement sur la droite américaine. »

Les avocats du président en 2020.

« Le 17 janvier 2020, la Maison-Blanche a publié une déclaration annonçant la composition de l’équipe de défense du président Trump devant le Sénat, une équipe dirigée par le juriste-conseil de la Maison-Blanche Pat A. Cipollone et par Jay Alan Sekulow. Ils eurent à leurs côtés comme avocats du président : – Kenneth Starr, ancien Solicitor General des États-Unis, ancien juge fédéral de la Cour fédérale d’appel pour le circuit du District de Columbia et ancien procureur indépendant ; – Alan Dershowitz, Professeur émérite de droit à la Harvard Law School, Chaire Felix Frankfurter ; – Pam Bondi, ancienne avocate, ancienne Attorney General de Floride, ancienne lobbyste, conseillère spéciale du président ; – Jane Serene Raskin, Avocate personnelle du président Donald J. Trump ; – Eric D. Herschmann, Avocat au cabinet Kasowitz, Benson, Torres LLP ; – Robert Ray, Avocat associé du cabinet Thompson & Knight, LLP, et ancien procureur indépendant.

Rudy Giuliani, l’un des avocats personnels du président des Etats-Unis, dont la défense de Donald Trump avait été sans répit dans les médias depuis plus d’un an, ne fait pas partie de cette équipe. Ce qui est logique puisque Rudy Giuliani est personnellement mis en cause dans l’« affaire ukrainienne ». La présence la plus baroque est celle de l’inénarrable Alan Dershowitz. qui se définit comme un « démocrate de gauche » (Liberal democrat) ayant des désaccords profonds avec son (nouveau) client sur de nombreux sujets, notamment l’immigration, l’assurance-maladie.

Il est peu vraisemblable que le président Trump a lu les nombreux livres et mémoires judiciaires de Dershowitz et plus certain que, comme des millions d’Américains, il le savait excellent performer à la télévision. Sa réfutation de la justiciabilité de Donald Trump d’un Impeachment était d’ailleurs ancienne et constante puisque c’est en... 2018 qu’il a publié un livre sur le sujet, The Case Against Impeaching Trump. Alan Dershowitz revendique une constance de doctrine constitutionnelle sur l’Impeachment, entre Bill Clinton (pour les avocats duquel il fut consultant) et Donald Trump. Quelques heures après la déclaration de la Maison-Blanche sur l’équipe de défense du président, il précisait justement sur NPR que son rôle dans cette équipe était circonscrit à plaider l’inconstitutionnalité de la procédure engagée contre Donald Trump : « Je ne serai pas impliqué dans la discussion des faits, je ne ferai pas partie de l’équipe de défense dans le sens de la stratégie sur les faits. Mon rôle est limité. Je fais exactement ce que j’aurais fait si Hillary Clinton - pour qui j’ai voté - avait été élue présidente et si les républicains avaient essayé d’engager un Impeachment contre elle ».

La présence la plus iconoclaste dans l’équipe de Donald Trump est celle de Kenneth Starr. Elle constituait un étonnant chassé-croisé, puisque c’est lui qui, en qualité de « procureur spécial », a mené l’enquête contre le président William J. Clinton dans l’affaire Lewinsky, enquête qui a valu au président Clinton un Impeachement. La sensibilité républicaine de Kenneth Starr était néanmoins notoire et le président Trump, que l’on sait grand consommateur des débats entre pundits (polémistes) sur les chaînes d’information en particulier, devait avoir noté que Kenneth Starr, comme Alan Dershowitz d’ailleurs, était parmi les plus fervents critiques à la télévision de l’enquête Mueller et, plus récemment, de l’enquête et de l’Impeachment de la Chambre des représentants. D’ailleurs, Media Matters for America a compté que quatre des membres de l’équipe de défense de Donald Trump devant le Sénat — Ken Starr, Alan Dershowitz, Pam Bondi et Robert Ray — comptabilisent à eux seuls 365 interventions sur Fox News depuis janvier 2019, week-ends non compris.

La direction de l’équipe d’avocats de Donald Trump par le conseiller juridique de la Maison-Blanche Pat Cipollone était attendue, quand bien même n’est-il pas « tape-à-l’œil » dans le genre de nombre d’avocats de Donald Trump, quand bien même cet avocat d’affaires, fils d’immigrés Italiens, « fervent catholique » et père de dix enfants, n’est-il pas un « avocat judiciaire » (un « plaideur »), ni un avocat « médiatique ». « Il est du type fort et mutique », avait déclaré Donald Trump à propos de Pat Cipollone lors d’un événement à la Maison Blanche marquant la 150e nomination judiciaire de sa présidence.

L’échec des tentatives extravagantes d’aliénation du ministère de la Justice

La liste des appels téléphoniques extravagants de Donald Trump à des interlocuteurs qu’il pressait de légitimer ses allégations de « vol » de l’élection présidentielle est loin d’être fixée. Dans Trump et les Trois Enquêtes, on a documenté l’appel (enregistré) du président au Gouverneur et au Secrétaire d’Etat de la Géorgie afin que ceux-ci l’aident à se voir attribuer la victoire dans l’État.

Des documents remis par le Département de la Justice à la commission de la Chambre chargée d’enquêter sur les efforts de Donald Trump pour annuler les résultats des élections de 2020 viennent étayer cette fois les soupçons (rapportés dans Trump et les Trois Enquêtes) à propos des pressions exercées par le président sur les hauts dirigeants du ministère de la Justice dans la période entre la démission de l’US Attorney General Bill Barr et la vérification des pouvoirs de Joe Biden par le Congrès le 6 janvier 2021. L’un de ces documents, publié le 30 juillet 2021, consiste en des notes manuscrites de Richard Donoghue, n° 2 du Département de la Justice à l’époque, à propos d’un échange téléphonique ayant eu lieu le 27 décembre entre le président Trump d’une part, Richard Donoghue et le ministre de la Justice par intérim, Jeffrey Rosen.

Les notes de Richard Donoghue rapportent la réitération par Donald Trump de ses allégations relatives au « vol » de l’élection présidentielle. « Nous avons l’obligation de dire aux gens qu’il s’agissait d’une élection illégale et corrompue », fait valoir Donald Trump, cité par Richard Donoghue. Les deux dignitaires du ministère de la Justice répondent en substance au président que le ministère ne peut rien faire, d’autant plus que les enquêtes qu’il a diligentées n’ont pas conclu au « vol » de l’élection : « Le [ministère] ne peut pas et ne veut pas claquer des doigts et changer le résultat des élections, les choses ne marchent pas ainsi », ont objecté les deux dignitaires qui ne rapportent pas moins avoir expliqué au président « Nous faisons notre travail (…) La plupart des informations que vous obtenez sont fausses ».

« Dites simplement que l’élection était corrompue », a insisté Donald Trump, « et laissez-moi et aux membres républicains du Congrès faire le reste ». Le président se prévaut alors du relais éventuel des représentants Jim Jordan (Ohio) et Scott Perry (Pennsylvanie) et du sénateur Ron Johnson (Wisconsin).

Les notes manuscrites de Richard Donoghue n’apportent cependant pas de réponse à la question de savoir si Donald Trump a bien envisagé de remplacer Jeffrey Rosen par Jeff Clark, réputé pour être favorable à ses thèses. Allusif, le président fit simplement valoir à Jeffrey Rosen et à Richard Donoghue : « Les gens me disent que Jeff Clark est génial, je devrais le mettre ». Cette intention présidentielle avait déterminé plusieurs hauts fonctionnaires du ministère de la Justice à une démission collective si elle se concrétisait. Le Washington Post et le Wall Street Journal rapportèrent que le spectre du Watergate et de son fameux « massacre du samedi soir » hanta certains collaborateurs de Donald Trump et certains élus républicains.

Le ministère de la Justice a accepté de produire au Congrès ces notes manuscrites plutôt que de les ranger sous le « privilège de l’exécutif » parce que « les événements extraordinaires dans cette affaire constituent des circonstances exceptionnelles justifiant un accommodement au Congrès ».

Le 7 août 2021, le New York Times a révélé que Jeffrey Rosen avait été auditionné par des enquêteurs de l’Inspecteur général du Département de la Justice et avait témoigné à huis clos le jour même (7 août 2021) devant la Commission judiciaire du Sénat. « Jeffrey A. Rosen, qui était procureur général par intérim sous l’administration Trump, a déclaré au chien de garde du ministère de la Justice et aux enquêteurs du Congrès qu’un de ses adjoints avait tenté d’aider l’ancien président Donald J. Trump à renverser les résultats des élections de 2020, selon une personne familière avec ces auditions. (...) ».

Les enquêtes à la faveur desquelles Jeffrey Rosen a été entendu avaient été ouvertes après un article du New York Times qui détaillait les efforts déployés par Jeffrey Clark , le chef par intérim de la division civile du ministère de la Justice, pour pousser les hauts dirigeants à affirmer faussement et publiquement que la poursuite des enquêtes sur les fraudes électorales jette le doute sur les résultats du Collège électoral. Cela a incité M. Trump à envisager d’évincer M. Rosen et d’installer M. Clark au sommet du département pour mener à bien ce plan.

« M. Trump, poursuit le New York Times, n’a jamais démis M. Rosen, mais le complot met en évidence le désir de l’ancien président d’écraser le ministère de la Justice afin de faire avancer son programme personnel. M. Clark, qui n’a pas répondu aux demandes de commentaires, a déclaré en janvier que toutes ses communications officielles avec la Maison-Blanche « étaient conformes à la loi » et qu’il s’était engagé dans « une discussion franche sur les options et les avantages et inconvénients avec le président ». (…).
M. Rosen est devenu un témoin clé dans de multiples enquêtes axées sur les efforts de M. Trump pour saper les résultats des élections. Il a déclaré publiquement que le ministère de la Justice n’avait pas trouvé suffisamment de fraudes pour affecter le résultat des élections.
Vendredi (6 août 2021), M. Rosen a parlé aux enquêteurs du bureau de l’inspecteur général de cinq rencontres avec M. Clark, dont une à la fin de décembre (2020) au cours de laquelle son adjoint a admis avoir rencontré M. Trump et a promis qu’il ne le ferait plus, selon une personne familière de l’audition de Jeffrey Rosen.
M. Rosen a également décrit les échanges ultérieurs avec M. Clark, lequel a continué à faire pression sur ses collègues pour qu’ils fassent des déclarations sur l’élection qu’ils jugeaient fausses, toujours selon une personne familière de cette audition.
Il a également découvert que M. Clark avait eu des conversations non autorisées avec M. Trump sur les moyens pour le ministère de la Justice de jeter publiquement un doute sur la victoire du président Biden, en particulier dans les États décisifs, dont M. Trump était obsédé, comme la Géorgie. M. Clark a rédigé une lettre qu’il a demandé à M. Rosen d’envoyer aux législateurs de l’État de Géorgie, qui leur affirmait à tort qu’ils devraient annuler la victoire de M. Biden parce que le ministère de la Justice enquêtait sur des accusations de fraude électorale dans l’État.
Une telle lettre aurait sapé les efforts des collègues de M. Clark pour empêcher la Maison-Blanche d’annuler les résultats des élections. M. Rosen et son principal adjoint, Richard P. Donoghue, ont rejeté la proposition ».

Après huit mois d’enquête, la Commission judiciaire du Sénat a publié le 7 octobre 2021 son rapport sur les tentatives par Donald Trump de faire adopter par le Département de la Justice de ses allégations sur l’élection supposément frauduleuse de Joe Biden.

Voir le portfolio du livre

Les événements du Capitole du 6 janvier 2021. Leurs suites politiques et judiciaires

Documents cités par l’ouvrage sur l’Impeachment pour les événements du Capitole

Documents judiciaires sur la quérulence électorale de Donald Trump

Documents cités par l’ouvrage sur l’Impeachment du président dans l’affaire ukrainienne

Recension de tribunes publiées dans la presse américaine par des professeurs de droit de Harvard

Le crossing. En fin d’après-midi du 15 janvier 2020 (17h30), les sept « procureurs » de la Chambre se sont alignés derrière le sergent d’armes Paul Irving et la fonctionnaire de la Chambre Cheryl Johnson, qui avaient par devers eux les Articles of Impeachment dans un parapheur. La procession traversa le National Statuary Hall, passa devant le bureau de Nancy Pelosi, parcourut la rotonde qui sépare les deux chambres avant de se présenter devant les portes du Sénat. Les sept procureurs ayant rejoint l’hémicycle du Sénat, Adam Schiff lut la résolution les nommant ainsi que les deux Articles of Impeachment.

Vidéo de la journée du 6 janvier projetée par les procureurs de la Chambre lors de l’audience sénatoriale du 10 février 2021
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