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William Edward Burghardt Du Bois (W.E.B. Du Bois), 120 ans après l’Exposition universelle de Paris

Deux œuvres de W.E.B. Du Bois (1868-1963) sont publiées en France. De quelque manière que l’on envisage l’histoire de la question raciale aux Etats-Unis, y compris à travers la miscégénation, l’on trouve W.E.B. Du Bois, l’un de ces Noirs au teint clair qui ne sont pas « passés » et que les défenseurs de la « pureté raciale » des Blancs redoutaient particulièrement lorsque les Noirs s’intéressaient plutôt à leur « loyauté raciale ». On peut néanmoins ramener W.E.B. Du Bois à son opposition politique et intellectuelle au non moins célèbre Booker T. Washington et à sa doctrine de l’« ascension sociale des Noirs » (Racial Uplift), soit l’idée selon laquelle plutôt que d’aspirer au renversement du « système » ségrégationniste et raciste, les Noirs devaient « saisir » les possibilités de « stabilité économique » que pouvaient leur procurer le fait de créer des entreprises et, par voie de conséquence, de devenir propriétaires terriens ou immobiliers (Atlanta Compromise Speech, 1895). Booker T. Washington était « accommodationniste » (accommodationist), Du Bois était égalitariste. Comme la NAACP dont il était un membre éminent, au point d’avoir été le rédacteur en chef de The Crisis, le magazine de la NAACP, et d’avoir pris une part active à l’importante stratégie judiciaire de cette organisation.

L’importance de Du Bois est suffisamment grande dans le contexte politique et intellectuel américain pour que soit assez périphérique la question de savoir si, comme le veulent certains articles français récents, il est l’un des « fondateurs de la sociologie », avec Durkheim et Weber, ou s’il est un « sociologue noir occulté ».

Si The Philadelphia Negro, est remarquable du point de vue de la méthode de l’enquête sociologique, son originalité est plutôt dans le fait que cette enquête se soit rapportée aux Noirs, même à la petite échelle de la ville de Philadelphie. W. E. B. Du Bois a commis d’autres travaux sociologiques sur les Noirs, en se servant du matériau sociologique par excellence du recensement fédéral ou des archives des Etats. Si son livre a traversé l’histoire, c’est parce que la méthode sociologique qu’il a pratiquée a déterminé en lui deux types de conclusions politiques (chap. XVIII), l’une de ces convictions étant dirigé contre les racialistes ou les racistes Blancs, l’autre contre certains leaders Noirs.

Sur le statut américain de The Philadelphia Negro, la lecture des 30 pages introductives par E. Digbsy Baltzell de l’édition publiée en 1967 par Schocken Books à New York est particulièrement utile.

Il y avait un mystère français du francophile W.E.B. Du Bois, qu’un éditeur vient tardivement de réparer en publiant les 363 portraits photographiques de Noirs Américains de Géorgie et tableaux statistiques présentés par W.E.B. Du Bois à l’Exposition universelle de Paris de 1900 : ce matériau, n’avait guère laissé de trace en France, et les journaux français de l’époque n’avaient d’ailleurs pas manifesté de curiosité pour le travail de Du Bois et de ses accompagnateurs. Cette documentation photographique et statistique portait sur différents aspects de la sociologie des Noirs en Géorgie : le métissage racial, la population urbaine et rurale, l’illettrisme, les taux de scolarisation et de fréquentation des écoles publiques, la propriété terrienne des Noirs, leur équipement de cuisine et leur mobilier domestique, leurs métiers, leurs revenus, les budgets familiaux.

On notera que là où le premier des deux éditeurs français parle des « Noirs de Philadelphie », le second commence par parler des « Noirs d’Amérique » dans le titre pour ensuite parler des « Nègres de Géorgie » dans le corps de l’ouvrage. La traduction du Negro américain par « Nègre », qui a une histoire francophone spécifique, est proprement fautive (voir à ce propos les développements dans Blancs mais Noirs. Histoire d’une mascarade raciale).

Pour aller plus loin sur le travail de Du Bois pour l’exposition universelle de 1900, on lira : W.E. Burghardt Du Bois, « The American Negro at Paris », American Monthly Review of Reviews 22:5 (November 1900) : 577 ; de Shawn Michelle Smith : in American Archives : Gender, Race, and Class in Visual Culture (Princeton University Press, 1999) ; Photography on the Color Line : W. E. B. Du Bois, Race, and Visual Culture, Duke University Press, 2004, « Looking at One’s Self Through the Eyes of Others’ : W. E. B. Du Bois’s Photographs for the 1900 Paris Exposition, African American Review 34:4, hiver 2000, p. 581-599.

W.E.B. Du Bois, Les Noirs de Philadelphie. Une étude sociale, trad. Fr., La Découverte, 2019.

Publié pour la première fois en 1899, The Philadelphia Negro : A Social Study est le résultat d’une recherche commandée par l’université de Pennsylvanie à W. E. B. Du Bois, alors âgé de vingt-huit ans. Associé à la jeune chercheuse blanche Isabel Eaton, Du Bois livre une analyse magistrale de la question raciale au moment où l’oppression des Noirs américains n’a jamais été aussi violente depuis l’abolition de l’esclavage en 1865.

Dans cette enquête de sociologie urbaine détaillant la formation de ce qui deviendra le ghetto noir de Philadelphie, Du Bois déploie tout son talent de sociologue, mais aussi d’historien et d’ethnologue. Cherchant à décrire et à expliquer les structures économiques, politiques et culturelles dans lesquelles vit la population noire de la ville, il entreprend un travail méthodique de collecte d’un vaste ensemble de données quantitatives et qualitatives. Son but : proposer un contre-feu sociologique aux explications dominantes de l’inégalité raciale alors fondées sur l’infériorité supposément « naturelle » des Africains-Américains.
Si Les Noirs de Philadelphie est aujourd’hui considéré comme un texte fondateur des sciences sociales, c’est aussi un livre de combat politique en faveur de l’émancipation de la minorité noire aux États-Unis. En mettant au jour ses conditions de vie réelles, Du Bois oppose la dignité noire aux préjugés raciaux afin de fonder la démocratie américaine sur la justice.(PDE)

Whitney Battle-Baptiste, Britt Rusert (dir.) et Julia Burtin Zortea (trad.), La ligne de couleur de W.E.B. Du Bois : Représenter l’Amérique noire au tournant du XXe siècle, éd. B42, 2019.

En 1900, lors de l’Exposition universelle de Paris, le célèbre sociologue et militant W. E. B. Du Bois présenta une série de données statistiques dans le but de promouvoir les progrès socio-économiques des Africains-Américains depuis l’abolition de l’esclavage. Les graphiques, diagrammes et cartes exposés rendent compte de leurs conditions de vie et illustrent, littéralement et symboliquement, ce que Du Bois appelait « la ligne de partage des couleurs ». De l’accès à l’éducation aux traces laissées par l’esclavage, ces représentations graphiques – dont le design est aussi remarquable que le contenu saisissant – restituent de nombreux aspects du quotidien des Africains-Américains au tournant du XXe siècle.

La Ligne de couleur de W. E. B. Du Bois reproduit pour la première fois l’intégralité de ces représentations en couleurs, les replace dans leur contexte social et met en avant l’avant-gardisme de ces visuels au regard de l’histoire du design graphique.

Alors que le travail de Du Bois, annonciateur des luttes à venir, continue à gagner en force et en pertinence, cet ouvrage offre une seconde vie à ces images et montre que les représentations de données statistiques peuvent générer, par l’acte même de faire voir, de nouvelles connaissances.

William Edward Burghardt Du Bois, dit W. E. B. Du Bois, est né en 1863 dans le Massachusetts, aux États-Unis. Sociologue et militant africain-américain, il est aujourd’hui considéré comme l’un des pères oubliés de la sociologie moderne. (PDE)

W.E.B. Du Bois (1868-1963)

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