George Floyd. La police de Minneapolis au rapport

Le ministère américain de la Justice a publié le 16 juin 2023 le rapport d’enquête (ci-après) sur la police de Minneapolis qu’il avait commandé en avril 2021 après la mort de George Floyd aux mains de la police. Voici le résumé et les recommandations du rapport.

I. Résumé

Le 21 avril 2021, le ministère de la Justice a ouvert une enquête sur les pratiques et les pratiques habituelles du service de police de Minneapolis (MPD) et de la ville de Minneapolis. À cette date, Derek Chauvin avait été condamné par un tribunal d’État pour le meurtre tragique de George Floyd en 2020. Au cours des années précédentes, des fusillades commises par d’autres agents du MPD avaient suscité l’indignation de l’opinion publique, culminant avec des semaines de troubles civils après le meurtre de George Floyd.
Notre enquête fédérale s’est concentrée sur le service de police dans son ensemble, et non sur les actes d’un seul agent. Il est certain que de nombreux agents du MPD font leur travail difficile avec professionnalisme, courage et respect. Néanmoins, notre enquête a révélé que les problèmes systémiques du MPD ont rendu possible ce qui est arrivé à George Floyd.

Constatations

Le ministère de la Justice a de bonnes raisons de croire que la ville de Minneapolis et le service de police de Minneapolis adoptent un modèle ou une pratique de conduite qui prive les gens de leurs droits en vertu de la Constitution et de la loi fédérale :
Le département de la police de Minneapolis fait un usage excessif de la force, y compris une force meurtrière injustifiée et d’autres types de force.
Le MPD pratique une discrimination illégale à l’encontre des Noirs et des Amérindiens dans le cadre de ses activités d’application de la loi.
Le MPD viole les droits des personnes dont le discours est protégé.
Le MPD et la ville font preuve de discrimination à l’égard des personnes souffrant de troubles du comportement lorsqu’ils répondent aux appels à l’aide.
Nous avons également constaté des lacunes persistantes dans les systèmes de responsabilité, la formation, la supervision et les programmes de bien-être des agents du MPD, qui contribuent aux violations de la Constitution et de la loi fédérale.
Les frustrations à l’égard du MPD qui ont débordé lors des manifestations de 2020 n’étaient pas nouvelles. « Ces problèmes systémiques ne sont pas apparus seulement le 25 mai 2020 », nous a dit un responsable municipal. « Il y avait des cas [...] signalés par cette communauté bien avant cela ».
Pendant des années, le MPD a utilisé des techniques et des armes dangereuses contre des personnes qui n’avaient commis qu’un délit mineur, voire aucun délit. La police municipale a eu recours à la force pour punir les personnes qui mettaient les agents en colère ou qui critiquaient la police. La police municipale a patrouillé patrouille différemment selon la composition raciale des quartiers et fait preuve de discrimination raciale lorsqu’elle fouille, passe les menottes ou utilise la force contre des personnes lors d’interpellations. La ville a envoyé des agents de la police municipale pour répondre à des appels au 911 liés à la santé comportementale, même lorsqu’une intervention des forces de l’ordre n’était pas appropriée ou nécessaire, avec parfois des résultats tragiques. Ces actions ont mis en danger les agents du MPD et la communauté de Minneapolis.
Nous sommes parvenus à ces conclusions sur la base de l’examen de milliers de documents, de dossiers d’incidents, de vidéos de caméras corporelles et de données de la ville et de la police municipale. Nos conclusions sont également fondées sur des sorties et des conversations avec des agents de la police municipale, des employés de la ville, des prestataires de services de santé mentale et des membres de la communauté.
Nous reconnaissons les défis quotidiens considérables que représente le travail d’un agent de la police municipale. Les policiers doivent souvent prendre des décisions en une fraction de seconde et risquer leur vie pour assurer la sécurité de leur communauté. Les agents du MPD travaillent dur pour fournir des services vitaux, et beaucoup nous ont parlé de leur profond attachement à la ville et de leur désir de voir le MPD faire mieux. Pourtant, depuis le printemps 2020, des centaines d’agents de la police municipale ont quitté les rangs, et le moral de ceux qui restent est au plus bas. Le maintien de l’ordre, de par sa nature, peut avoir un impact sur la santé psychologique et émotionnelle des agents, et les défis de ces dernières années n’ont fait qu’exacerber cet impact pour certains agents du MPD.
La ville et la police municipale ont eu le mérite de poursuivre les réformes. La politique de la police municipale interdit désormais les entraves au cou et les agents ne peuvent pas utiliser certaines armes de contrôle des foules sans l’approbation du chef de la police municipale. À la suite du décès d’Amir Locke en 2022 lors de l’exécution d’un mandat « no-knock », la police municipale a interdit l’utilisation de ces armes. La ville a lancé un programme prometteur d’intervention en matière de santé comportementale, dans le cadre duquel des professionnels de la santé mentale qualifiés répondront aux appels de service qui ne nécessitent pas d’intervention policière.
Le ministère de la Justice espère travailler en collaboration avec la ville et le MPD sur les réformes nécessaires pour remédier à la conduite illégale décrite dans ce rapport. Nous apprécions tout particulièrement la coopération et la franchise des fonctionnaires de la ville et du MPD au cours de notre enquête. Les dirigeants de la ville et de la police municipale savent qu’ils ont un problème. Le maire Jacob Frey nous a dit : « Nous avons besoin d’aide pour changer et réformer ce département », et les réformes « doivent imprégner le département lui-même ». Malgré les premières mesures prises par la ville et la police municipale en vue d’une réforme, le maire Frey s’est montré réaliste quant aux défis à venir. « Il est clair que nous avons encore un long chemin à parcourir ».

II. Mesures correctives recommandées

Nous félicitons la ville et la police de Minneapolis d’avoir entamé le dur labeur nécessaire à l’amélioration de la situation. Les mesures correctives que nous recommandons ci-dessous constituent une base pour les changements que la ville et la police de Minneapolis doivent apporter afin d’améliorer la sécurité publique, de renforcer la confiance de la communauté de Minneapolis et de se conformer à la Constitution et à la législation fédérale.

Recours à la force

1. Améliorer les politiques de recours à la force, les rapports et les procédures d’examen afin de minimiser le recours à la force. Réviser les politiques de recours à la force pour mettre l’accent sur l’évitement de la force et le renforcement de la désescalade, et exiger des agents qu’ils envisagent des solutions moins intrusives avant de recourir à la force. Mettre en place des systèmes de rapport et d’examen du recours à la force pour s’assurer que les agents signalent tous les cas de recours à la force et que le département de la police municipale procède à des examens approfondis et en temps voulu. Veiller à ce que l’évaluation des performances des superviseurs porte sur la qualité de leurs examens du recours à la force.
2. Améliorer la formation sur le recours à la force. Fournir aux agents des indications claires sur les cas où il est approprié d’utiliser différentes options de force, y compris une formation basée sur des scénarios et des tests qui renforcent ces concepts. Souligner l’importance de l’obligation d’intervenir pour empêcher le recours à la force et de l’obligation de fournir une aide médicale.
3. Renforcer les mécanismes de responsabilisation liés à l’usage de la force. Exiger des superviseurs qu’ils procèdent à des contrôles du recours à la force et qu’ils identifient les violations de la politique ou de la loi. Veiller à ce que les supérieurs hiérarchiques transmettent rapidement les éléments de preuve indiquant une mauvaise conduite ou un comportement criminel à l’unité ou à l’agence d’enquête appropriée. Prendre les mesures correctives ou disciplinaires appropriées lorsque les agents enfreignent les politiques en matière de recours à la force.
4. Améliorer la collecte de données et l’évaluation de la force. Évaluer les données afin d’identifier les tendances et d’élaborer des politiques, des formations et des recommandations visant à réduire le recours à la force. Veiller à ce que les superviseurs et le commandement puissent examiner efficacement les données relatives au recours à la force.
5. Élaborer des politiques de recours à la force adaptées aux jeunes et aux personnes ayant des besoins en matière de santé comportementale. Reconnaître les caractéristiques uniques des jeunes et des personnes ayant des besoins en matière de santé comportementale. Élaborer des politiques tenant compte de ces caractéristiques.

Identifier et réduire les disparités raciales

6. Améliorer la documentation de l’activité policière. Veiller à ce que la collecte de données relatives à la sécurité publique permette d’analyser les disparités raciales, notamment en ce qui concerne les interpellations, les fouilles, les demandes de mandats de perquisition, l’exécution des mandats, les citations, les arrestations, le recours à la force et les activités d’enquête. Veiller à ce que les données saisissent la base des mesures d’application, y compris les soupçons raisonnables et articulés ou les causes probables pour les contrôles et les fouilles, la base des fouilles consenties et les résultats de chaque fouille. Établir une distinction entre les contrôles routiers et les contrôles de piétons.

7. Analyser les données relatives aux activités d’application de la loi. Développer la capacité d’analyser les données relatives aux disparités raciales dans les activités d’application de la loi en général, et d’évaluer l’impact des unités, initiatives ou programmes spécialisés.
8. Réduire les disparités injustifiées. Lorsque des disparités raciales injustifiées existent, prendre des mesures pour les réduire ou les éliminer au sein du MPD.

Protéger les droits du premier amendement

9. Améliorer les politiques et la formation relatives aux protestations et aux manifestations.

Réviser les politiques de réponse aux troubles civils et aux troubles de l’ordre public afin d’améliorer la planification des manifestations, de mettre l’accent sur les libertés du premier amendement, de protéger le droit de recueillir et de diffuser des informations, de limiter l’utilisation d’armes moins létales et de fournir des rapports quotidiens après action sur la force, le bien-être des agents et l’efficacité. La formation devrait aborder les défis liés à la protection de la sécurité publique et des droits du premier amendement lors de manifestations critiquant les forces de l’ordre.
10. Améliorer l’obligation de rendre compte des violations du premier amendement. Veiller à ce que les examens de la force et les examens des plaintes pour mauvaise conduite permettent de déterminer si la conduite d’un agent a violé le premier amendement. Élaborer un processus d’examen après action à la suite des manifestations afin d’évaluer les performances des officiers et des commandants.

Répondre aux personnes ayant des problèmes de santé comportementale

11. Développer les capacités, la formation et la coordination du BCR. La BCR devrait devenir un programme permanent, fonctionnant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, doté d’une capacité appropriée, d’une supervision clinique, d’une formation complète et de processus d’amélioration continue de la qualité, y compris de capacités renforcées de collecte de données et d’établissement de rapports. Le BCR devrait développer des relations avec le COPE et d’autres services de santé mentale afin de mieux servir les personnes ayant des problèmes de santé comportementale, et le BCR devrait assurer une formation polyvalente avec le MECC, le MPD, les EMS et les pompiers.
12. Veiller à ce que la MECC envoie le(s) répondant(s) approprié(s). La MECC doit travailler en étroite collaboration avec le BCR, le MPD, les pompiers et les EMS pour mettre à jour les protocoles relatifs aux appels de service impliquant des problèmes de santé comportementale. La MECC doit également se coordonner avec les premiers intervenants, ainsi qu’avec les entités de la ville et du comté de Hennepin, dans le cadre du lancement récent de la ligne de secours 988 contre le suicide et les situations de crise. Donner la priorité aux questions de personnel du MECC, à la formation sur les appels impliquant la santé comportementale et aux processus d’assurance qualité pour évaluer la prise d’appels, les envois et les réponses à ces appels.
13. Élaborer et mettre en œuvre des politiques et des formations appropriées en matière de santé comportementale et évaluer leur impact. Fournir aux agents et aux superviseurs de la police municipale une formation fondée sur des données cliniques, y compris sur les perspectives de la communauté. Élaborer des politiques et des formations spécifiques aux jeunes ayant des problèmes de santé comportementale. Veiller à ce que les formations abordent la coordination des réponses avec d’autres acteurs clés (EMS, BCR et COPE), évitent les sujets tels que le « délire agité » et veillent à ce que les jeunes ne soient pas victimes d’une maladie mentale.

Responsabilité

14. Identifier, traiter et documenter toutes les allégations soulevées dans les plaintes pour mauvaise conduite. Veiller à ce que toutes les allégations de mauvaise conduite fassent l’objet d’un examen approfondi et soient résolues au moyen d’une documentation appropriée expliquant la prise de décision. Tenir les superviseurs pour responsables s’ils ne signalent pas ou ne traitent pas les cas de mauvaise conduite.
15. Exiger des agents qu’ils signalent les fautes. Veiller à ce que les agents qui ne signalent pas les fautes connues soient tenus pour responsables. Assurer une protection contre les représailles pour les agents qui signalent les fautes d’autres agents.
16. Faciliter l’accès des civils à la procédure de plainte. Veiller à ce que, lorsqu’un agent rencontre une personne qui souhaite déposer une plainte, il la mette en contact avec un superviseur, les affaires internes, l’OPCR ou lui permette de déposer une plainte par les moyens appropriés. Former tous les agents aux procédures appropriées et aux raisons de faciliter les plaintes des civils.
17. Améliorer les enquêtes sur les plaintes civiles. Veiller à ce que les allégations de mauvaise conduite de la police municipale adressées à un membre de l’OPCR, de la police municipale ou à un employé municipal soient documentées et examinées, fassent l’objet d’une enquête approfondie conformément à l’article 172.30 du code des ordonnances de Minneapolis (modifié le 14/12/2022) et à la législation de l’État, et que le plaignant soit tenu informé de l’état d’avancement de la plainte. Former les enquêteurs des affaires internes de l’OPCR et du MPD aux pratiques d’enquête et aux défis particuliers des enquêtes policières.
18. Doter les unités d’affaires internes du RCOP et de la MPD d’un personnel complet. Veiller à ce que les unités d’affaires internes du BDPR et de la MPD soient dotées d’un nombre suffisant d’enquêteurs qualifiés et bien formés pour mener à bien toutes les enquêtes de manière cohérente et dans les délais impartis. Veiller à ce que les enquêtes soient approfondies, à ce que les entretiens soient menés de manière appropriée, à ce que tous les éléments de preuve soient correctement évalués et à ce que la crédibilité des témoins soit correctement déterminée en cas d’éléments de preuve contradictoires.
19. Améliorer la procédure d’examen des enquêtes du BPRP et des affaires internes de la police militaire. Rationaliser la procédure d’examen des enquêtes administratives afin de faciliter leur résolution en temps voulu. Fixer des délais pour chaque étape de l’examen, définir des attentes fermes pour garantir que le processus progresse rapidement, et documenter toutes les décisions.
20. Améliorer la qualité des données et la surveillance civile. Coopérer avec la Commission communautaire de surveillance de la police pour promouvoir une surveillance civile solide et impartiale. Accorder la priorité à la transparence dans ses pratiques en matière d’affaires internes, notamment en rendant compte au public de la nature des plaintes reçues, des fautes commises et de la manière dont elles sont traitées.

Transparence

21. Garantir l’exactitude des déclarations publiques. Veiller à ce que les dirigeants de la ville et du MPD fournissent en temps voulu des informations précises sur la sécurité publique, y compris après des incidents critiques.

Supervision

22. Exiger l’activation, la désactivation et l’examen systématiques des caméras corporelles. Exiger des agents qu’ils activent systématiquement les caméras corporelles pour documenter les interactions avec le public. Exiger des superviseurs qu’ils examinent les séquences afin de contrôler les performances des agents et de s’assurer qu’ils respectent les politiques de la police municipale.
23. Exiger l’examen de tous les arrêts. Exiger un examen par les supérieurs hiérarchiques des soupçons raisonnables et articulés justifiant les interpellations et les fouilles, de la cause probable de toute fouille et de la base de toute fouille consentie. Exiger une analyse périodique de l’efficacité de certaines pratiques pour lesquelles les agents disposent d’une plus grande marge de manœuvre, telles que les interpellations sous prétexte ou les fouilles par consentement.
24. Réviser les pratiques de recrutement. Veiller à ce que les pratiques de dotation en personnel assurent l’unité de commandement et à ce que les politiques d’emploi en dehors des heures de service soient compatibles avec le bien-être des agents et une supervision efficace. Former les superviseurs à améliorer l’examen des incidents liés à l’usage de la force et à mieux communiquer les changements de politique aux agents.

Formation

25. Améliorer la formation dans l’ensemble du département. Faire appel à des instructeurs qualifiés, aux meilleures pratiques en matière d’apprentissage des adultes, à des experts externes et à des instructeurs issus de la communauté. Impliquer les responsables de la formation dans les évaluations après action des incidents liés à l’usage de la force.
26. Améliorer la formation des superviseurs. Former les superviseurs à promouvoir des pratiques policières efficaces et constitutionnelles en dirigeant les subordonnés, en contrôlant et en évaluant leurs performances, en évaluant les rapports écrits, en enquêtant sur les recours à la force, en établissant des partenariats avec la communauté et en désamorçant les conflits.
27. Réformer le programme de formation des agents de terrain. Améliorer les normes de formation et de sélection des agents de terrain afin qu’ils modèlent et soutiennent systématiquement les valeurs et les normes de la police municipale. Normaliser le programme de formation des officiers de terrain afin de garantir que tous les officiers et les recrues soient évalués de manière cohérente et équitable.

Bien-être

28. Assurer l’efficacité des programmes de santé et de bien-être. Veiller à ce que les agents aient accès à des services de soutien efficaces et mettre en place un système complet d’intervention précoce afin d’apporter un soutien aux agents qui en ont besoin.

George Floyd Rapport du Département de la Justice sur la police de Minneapolis_2023 by Pascal Mbongo on Scribd

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