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Tulsa. Centenaire d’un massacre racial.

Un sous-comité judiciaire de la Chambre des représentants a tenu le 19 mai 2021 une audience marquant le centenaire du « massacre racial de Tulsa » (vidéo ci-dessous). Trois des survivants les plus âgés [Viola Fletcher, 107 ans, Hughes Van Ellis, 100 ans, Lessie Benningfield Randle] ont livré un témoignage et partagé leurs expériences d’enfance et leur vie après le massacre.

Au début du 20e siècle, la ségrégation raciale avait confiné les résidents noirs de Tulsa dans le quartier de Greenwood (« Greenwood District »), qu’ils ont construit dans une communauté florissante avec un centre entrepreneurial de renommée nationale connu sous le nom de « Black Wall Street » (l’expression originelle, de Booker T. Washington, était « Negro Wall Street »). Les 10.000 Afro-Américains de Tulsa disposaient ainsi d’une centaine de commerces, de deux journaux, de nombreuses épiceries et boucheries, une trentaine de cafés et de restaurants, des hôtels, des cabinets médicaux et des cabinets d’avocats, des salles de spectacle produisant du jazz et du blues. Autant d’établissements qui suppléaient au refus d’établissements appartenant à des Blancs de servir des Noirs auxquels s’ajoutaient plusieurs établissements scolaires réputés de meilleure qualité que ceux réservés aux Blancs.

Dans la matinée du 30 mai 1921, un incident supposé et controversé entre deux jeunes, un Noir et une Blanche, va enflammer la communauté blanche de Tulsa, jusqu’à des appels au lynchage, dans un climat d’hostilité raciale des Blancs et leur ressentiment face au succès économique des Noirs. Dick Rowland, un Noir de dix-neuf ans fut accusé d’avoir agressé dans un ascenseur Sarah Page, une Blanche de dix-sept ans, opératrice d’ascenseur. Dick Rowland est arrêté. Des groupes de Tulsans s’arment, certains voulant protéger Rowland, d’autres étant décidés à le lyncher. Une foule se rassemble le 31 mai au palais de justice où Rowland est détenu. Les quincailleries et les prêteurs sur gages sont pillés d’armes et de munitions alors que la situation devient incontrôlable. Des mots violents furent échangés entre un homme blanc et un homme noir et un coup de feu fut tiré. Le 1er juin, entre minuit et 6 heures du matin, des hordes de Blancs envahissent Greenwood, tirant sur des résidents Afro-américains et incendiant des maisons et des entreprises. À l’aube, le quartier noir de Tulsa est en ruines. Le massacre racial de Tulsa venait d’avoir lieu. Le gouverneur Robertson déclare la loi martiale à 11h30.

Les autorités municipales et du comté de Tulsa ne prirent pas de mesures pour calmer ou contenir la violence, et aussi bien des responsables civils que des policiers ont suppléé de nombreux hommes blancs qui participaient à la violence, contribuant directement à ce massacre et en toute illégalité. Pendant 24 heures, la violence de la foule blanche a entraîné la mort d’environ 300 résidents noirs, ainsi que plus de 800 signalements de blessures. La foule blanche a pillé, endommagé, brûlé ou autrement détruit environ 40 blocs carrés du district de Greenwood, y compris environ 1256 maisons de résidents noirs, ainsi que pratiquement toutes les autres structures, y compris des églises, des écoles, des entreprises, un hôpital et une bibliothèque, laissant près de 9 000 Tulsans noirs sans abri et anéantissant des dizaines de millions de dollars de prospérité et de richesses noires à Tulsa.

Des unités de la Garde nationale de l’Oklahoma participèrent aux arrestations massives de presque tous les résidents survivants de Greenwood, les expulsant de Greenwood vers d’autres parties de Tulsa souvent après des détentions illégales dans des centres dévolus à cette fin.

Les décideurs locaux et ceux de l’État de l’Oklahoma ont pendant très longtemps rejeté les réclamations de commissions vérité sur le massacre, l’effaçant ainsi de la mémoire de l’État. Ce n’est qu’en 1997 que le parlement de l’État décida de revenir sur les événements. Le 28 février 2001, la « Tulsa Commission » publia son rapport (ci-dessous), qui détaillait, pour la première fois, l’étendue du massacre et les efforts de plusieurs décennies pour en supprimer les souvenirs. La « Tulsa Commission » montrait par exemple qu’aucun des responsables de l’application de la loi ni aucun des centaines d’autres membres de la « mafia blanche » qui ont participé aux violences n’ont jamais été poursuivis ou tenus pour responsables des centaines de vies perdues et des dizaines de millions de dollars de richesse noire détruits. Et aucune compensation ou réparation n’a jamais été versée aux victimes du massacre ou à leurs descendants, ni de la part des compagnies d’assurance, ni de la part de la ville.

Tulsa Massacre racial_A Report by the Oklahoma Commission to Study the Tulsa Race Riot of 1921_2001 (1) by Pascal Mbongo on Scribd

L’autobiographie, posthume, de Buck Colbert Franklin (1879-1960). Il s’installa comme avocat à Tulsa, après différentes pérégrinations personnelles et professionnelles dans l’État, depuis sa naissance en territoire indien d’un père ayant hérité sa liberté de son propre père auto-affranchi. Il fut le principal avocat des Noirs survivants et restés dans la ville pour lesquels il obtint de la Cour suprême de l’État l’invalidation d’une décision municipale qui contrariait la réappropriation et la reconstruction de leurs propriétés. L’un de ses quatre enfants, John Hope Franklin, fut une importante figure du mouvement des droits civiques

Lire : Karlos K. Hill, « Photographing the Tulsa Massacre of 1921 », The Public Domain Review, 27 mai 2021.

Lire : Le long article de Deneen L. Brown (avec les photographies de Bethany Mollenkof) dans National Geographic. Cet article a été traduit et publié dans l’édition française de National Geographic, juin 2021, p. 70-89.

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